Tribune de Genève
Récital brésilien au Conservatoire
Le guitariste Linhares

La "Caboca Bunita" de Catullo Caerense est une suite très simple directement inspirée d'airs brésiliens. Et pourtant, sous les doigts du guitariste Dagoberto Linhares, elle semble dire toutes les nostalgies du monde. Cette infinie "tristeza" tranquillement chaloupée, Linhares la suit en effet d'un balancement souple, l'habille des sonorités les plus douces et la chante avec une sensualité naturelle.

Naturel, le jeu de Linhares l'est d'ailleurs en toutes occasions. Et même si la guitare retrouve au contact des sources brésiliennes dont ce récital faisait un panoraina - un berceau naturel que le tempérament européen, hors d'Espagne, lui a toujours refusé, jamais il ne force la note folklorique. Une pièce comme les "Scènes brésiliennes" de Savio pourrait l'y inciter. Mais Dagoberto Linhares, lauréat du concours en 75, s'abstient d'exagération rythmique comme il évite la mièvrerie dans le lyrisme. Et même lorsqu'il entreprend de donner avec quatre études de Villa-Lobos un concentré de son habileté technique, c'est par la plénitude de ses sonorités, par la richesse des couleurs qu'il impressionne.

Remarquablement composé de manière à rendre de l'école brésilienne l'équilibre entre l'élément populaire et de plus classiques influences, le récital de Linhares n'aura pas un moment donné l'impression de brie et de broc. C'est qu'il privilégie, jusque dans les écritures les plus complexes de Marlos Nobre ou de la "Sonata No.l de Prado, le potentiel de charme, de subtilité de son instrument, tout en dominant sans crispation les pires difficultés.

Tâche périlleuse qu'un récital de guitare: par sa facilité, Dagoberto Linhares le fait oublier. Seule ici parle une sensibilité discrète, mais intensément chaude et attachante. Jean-Jacques ROTH

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